L’Homme de Cro-Magnon est aussi une femme ! Journées européennes de l’archéologie

Musée Unterlinden

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Horaires d’ouverture

Mercredi au lundi : 9h —18h
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1.1, 1.5, 1.11, 25.12 : fermé
24.12 et 31.12 : 9h —16h

 

L’Homme de Cro-Magnon est aussi une femme !
L’archéologie face à l’histoire des genres.

Conférence par Eric Boës, directeur adjoint scientifique et technique à l’INRAP

Notre façon de regarder le passé se construit avec nos yeux du présent, en découle de nombreuses idées reçues sur les modes de vie des sociétés anciennes. Le rapport entre les hommes et les femmes n’est ainsi pas immuable et des différences sont apparues au cours du temps. L’archéologie tente de les comprendre, tout en devant se défaire des préjugés de notre époque. De l’Homme d’Eguisheim aux sépultures de la forêt de la Hardt, cette conférence sera illustrée par des découvertes archéologiques régionales, en lien avec les collections du musée.

Eric Boës est directeur adjoint scientifique et technique à l’Inrap. Archéo-anthropologue de formation, il a travaillé sur de nombreux sites archéologiques funéraires en Alsace, en France et à l’étranger. Les études archéologiques menées illustrent des thèmes sociologiques et biologiques que l’archéologie appréhende depuis la préhistoire ancienne jusqu’à l’époque moderne.

Date | 17.06.22
Horaire | de 18h30 à 19h30
Tarif | Entrée libre (jauge limitée à 100 personnes)*
Lieu | Piscine

* Réservations et informations du lundi au vendredi au +33 (0)3 89 20 22 79 – reservations@musee-unterlinden.com – Samedi et dimanche au +33 (0)3 89 20 15 58 – billetterie@musee-unterlinden.com

 

Questions à Éric Boës

Le titre de votre conférence remet en question les idées reçues depuis plus d’un siècle sur les modes de vie des sociétés anciennes.

C’est le fait à la fois des nouvelles méthodes appliquées lors de l’étude des ossements humains fossiles et d’un changement de regard porté sur les sociétés anciennes. Le sujet est passionnant, car cela montre aussi que notre compréhension du passé est très influencée par l’époque dans laquelle nous vivons. Et notre époque bouscule de nombreux modèles qui, sans remonter tous au 19e siècle, ont toutefois mis du temps à être remis en cause. Ces idées ne sont pas nouvelles, mais elles s’imposent davantage dans la société d’aujourd’hui. Ainsi, le rôle des femmes dans les cultures de la préhistoire est davantage discuté, une façon aussi de prendre le contrepied de théories qui ont accordé aux hommes un rôle central et exclusif dans l’organisation des groupes.

Quelles sont les idées reçues sur l’ « Homme de Cro-Magnon » ? Sont-elles liées à une transposition de la place des hommes dans notre société des 19e et 20e siècles ?

Certaines images que nous avons des populations de la préhistoire ancienne sont le fait de recherches menées exclusivement par des hommes et il faut attendre les années 1920 pour voir apparaître les premières femmes préhistoriennes. Certaines sont restées dans l’ombre, comme Mathilde Wernert qui a tant œuvré pour la préhistoire régionale, à une époque où cette activité était réservée aux seuls hommes. Ces femmes passionnées par la préhistoire ont été des mères ou des épouses de préhistoriens, avant de pouvoir devenir des chercheuses reconnues. La recherche de types humains de référence illustre bien ce travail mené sans le rôle de femmes. Il a conduit à simplifier le sujet en choisissant des individus masculins, pour représenter une population dans son ensemble. Pour les découvertes faites dans la grotte de Cro-Magnon en 1868, cela a conduit à choisir un crâne appartenant à un individu âgé comme représentant de l’ensemble de l’espèce Homo sapiens en Europe. Un crâne féminin, d’un individu plus jeune et presque mieux conservé, également retrouvé dans cette grotte, est quant à lui presque passé inaperçu. Nous parlons encore aujourd’hui de l’Homme de Cro-Magnon en prolongeant cette confusion entre la découverte de ce crâne masculin et l’espèce qu’il représenterait à lui seul. La découverte du crâne d’Eguisheim en 1865, célèbre en son temps, a suivi quelque peu le même destin, par l’exagération de traits anatomiques… masculins. Il faudra du temps pour réviser ces positions et porter un regard neuf sur les cultures anciennes.

Quelle était la place/ le rôle des femmes à la Préhistoire ?

La préhistoire est surtout une période très longue et ce sujet de la place des femmes dans les sociétés du Paléolithique ou du Néolithique doit surtout être regardé sans présupposé. Les cultures anciennes permettent d’ailleurs de “tester” notre ouverture d’esprit sur ce que devait être une famille il y a 20 000 ans. La répartition des tâches au quotidien est un sujet difficile à restituer, mais l’image des hommes allant à la chasse pendant que les femmes restaient dans les campements avec les enfants est aujourd’hui très contestée. Les différences morphologiques entre les hommes et les femmes sont étudiées de façon très attentive et un dimorphisme sexuel peu marqué entre les hommes et les femmes invite les chercheurs à supposer une part active des femmes dans des activités que l’on pensait réservées aux seuls hommes. Ce sujet peut d’ailleurs être discuté pour toutes les périodes anciennes. Alors tout est utile pour repérer les activités des femmes, par leurs empreintes de doigts sur des vases, ou de pieds dans les grottes ornées ; on mesure leur stature, on examine leurs parures dans les sépultures. On admet davantage le fait que des femmes richement parées, comme dans certaines sépultures du Néolithique, représentent bien un niveau de richesse dans la société qui allait de pair avec un statut social propre à ces femmes. Les riches sépultures féminines de l’âge du Fer en Alsace représentent bien cette situation sociale de femmes importantes dans les groupes, qui méritent une plus grande attention face aux sépultures masculines contenant des armes.

Quels exemples de découvertes archéologiques récentes ont permis de repositionner le rapport entre les hommes et les femmes ?

C’est avant tout la relecture de découvertes anciennes qui conduit à regarder de façon différente le rôle des femmes dans les sociétés anciennes. Des squelettes ont ainsi changé de sexe au gré de nouvelles analyses. Des critères longtemps utilisés  pour identifier les femmes dans les sépultures sont aujourd’hui abandonnés, alors que les études menées à partir de l’ADN conservé dans les ossements, permet de déterminer le sexe sans erreur possible. Cette avancée livre des données fiables et qui permettent de restituer une image plus équilibrée des sociétés anciennes, tout en nous invitant à regarder notre propre époque de façon plus critique. Mais la situation la plus nouvelle dans ces recherches depuis vingt ans est la part très importante désormais des chercheuses !